La Chine est-elle une superpuissance technologique?

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La Chine est-elle une superpuissance technologique?

Oublié son statut d’atelier du monde, la Chine veut faire de son innovation une référence pour le monde. Pour passer du « fabriqué » à « Inventé en Chine ». Le décryptage de l’entrepreneur Denis Jacquet.

La pandémie de Covid, suivie à la corde par l’Ukraine, a alimenté et alimente à la fois une actualité à l’odeur de « sapin » – rien à voir avec Noël –, et une terreur qui commence à congeler par le bas nos économies qui n’en avaient pas vraiment besoin. À cela s’est greffée l’élection présidentielle qui fait qu’on a négligé les vrais sujets et particulièrement du seul ressort qui permettrait de conserver notre rang encore quelque temps dans une Europe en déclin. À savoir l’innovation, les secteurs d’avenir, la technologie et le terreau qui lui permettrait de fleurir en France et en Europe.
Alors allons nous promener, non pas outre-Atlantique mais pour une fois, en Chine. Celle qui continue son parcours en tête, malgré une flambée épidémique, la pire depuis deux ans, et une politique Covid qui paraît extrême aux Occidentaux. À raison, mais en partie seulement.
Le gouvernement chinois pratique une stratégie Covid zéro avec, il est vrai, peu de subtilité. Comme toujours. En Chine, le collectif l’emporte toujours sur l’individuel. Mao avait donné un malheureux exemple avec l’envoi des intellos aux champs dont la conséquence avait été une famine et un nombre de décès record. Le Grand Timonier disait alors que « si c’est le prix à payer pour que le reste de la population vive, alors qu’il en soit ainsi ». Autre lieu, autre culture.

Dominer par la technologie

Seulement, la Chine, elle, a une stratégie. La domination par la technologie au profit du régime politique. L’Etat a lancé un nouveau plan quinquennal jusqu’alors exécuté à la perfection. Un plan massif qui passe par les territoires moyens: faire des régions de taille moyenne, les nouveaux leviers de l’enrichissement de la Chine. Tout le contraire des politiques européenne et américaine qui misent tout sur les mégalopoles.
L’Empire du Milieu, au lieu de faire fi de ses territoires, a donc décidé de les enrichir et de les faire croître. Il est impensable que le virus qui se répand à vitesse Grand V dans les villes à forte concentration mette des grains de riz dans l’engrenage de la réussite des régions.
C’est l’avantage du calcul à long terme sur le petit calcul à court terme. La Chine veut profiter du bazar mondial pour prendre un temps d’avance sur tout le monde, y compris les États-Unis.
Pendant que l’Ukraine et les élections désormais législatives obsèdent la France, la Chine tente de tordre le cou à la Covid, uniquement pour ne pas risquer de perdre cette course de vitesse.
Si en Europe et aux États-Unis, nous ne pensons plus innovation, croissance et avenir, la Chine, elle, en a l’obsession. La boussole, l’imprimerie, le papier… L’innovation a toujours été dans son ADN. Le calcul d’un point de vue stratégique est comme toujours éclairé et brillant.

Investissements colossaux

Des régions désertées par une industrie bas de gamme dont la Chine s’éloigne chaque jour font l’objet d’investissements colossaux afin d’assurer leur transformation. Zhuzhou – dans la province méridionale du Hunan – en est un exemple. Mais il y a en a tant d’autres.

Ancien temple d’industries « sales » et polluantes, elle se dirige vers une nouvelle vie digitale. Et c’est partout pareil. Cela explique en partie la politique terriblement répressive que mène le président Xi Jinping dans les grandes villes, voulant éviter que les seniors ne meurent comme ce fut le cas à Hong Kong avec Omicron. Mais le plus impressionnant, c’est que pendant ce temps, la Chine garde le cap sur l’avenir, ne cédant rien aux pressions de ceux qui ne s’attardent que sur le court terme. La Chine c’est le temps long. Le temps court, n’est qu’une perturbation anecdotique, laissée à l’Occident.

La boussole, l’imprimerie, le papier…
L’innovation a toujours été dans l’ADN de la Chine.

L’innovation devrait être notre obsession. Dans quels domaines? L’espace. Le quantique. La data. Le métavers. L’intelligence artificielle.
À ce jour, la France n’a aucun plan. Lors de son premier mandat, le président Macron a annoncé un plan – famélique – de 30 Mds€ sur cinq ans. Moins d’argent pour toute la France que celui investi par la dixième ville chinoise sur le seul sujet de l’intelligence artificielle !
L’Europe se cherche une voie et une voix pour l’incarner et n’a pas de plan massif attendu à court terme. Pendant ce temps, les États-Unis et la Chine sont les seuls à accélérer…
Il faudrait un plan à 100Mds€ par an pendant cinq ans pour commencer à repasser le niveau de la ligne de flottaison.

Nos magnifiques boîtes françaises, sont du coup obligées de partir aux Etats-Unis pour trouver un marché favorable et massif, qu’elles devraient pourtant trouver en Europe. En théorie, c’était un peu le concept de départ.
Ainsi les trop rares Sandbox, Content Square, REEF, et tant d’autres s’expatrient. SpaceX n’a pas d’équivalent en Europe, pas plus que la « Boring Company » (encore Elon Musk, qui souhaite faire des tunnels partout pour résoudre le problème des embouteillages urbains, valorisée à 6Mds$ au passage).

Rien de tout cela chez nous. La Chine a la data et nous la RGPD. Chacun fait ses choix. Peut-être en 2027. Un peu de patience?

Qu’en dit l’indice mondial de l’innovation?

Dans l’indice mondial de l’innovation 2021 qui rend compte des performances des écosystèmes de 132 économies et qui suit les tendances mondiales les plus récentes en matière d’innovation, la Chine se place au 12e rang, juste derrière la France.

A ce jour, les 25 économies les plus innovantes sont encore majoritairement européennes. Néanmoins, la Chine est encore à ce jour la seule économie à revenu intermédiaire parmi les 30 les plus innovantes au monde.
La région Asie du Sud-Est – Asie orientale – Océanie est celle dont la performance en matière d’innovation a été la plus dynamique de la dernière décennie, ce qui lui a permis de combler l’écart avec l’Amérique du Nord et l’Europe.
Depuis 2013, l’Empire du Milieu progresse régulièrement dans cet indice, se rapprochant chaque année des dix premiers rangs.
À titre d’exemple, le nombre de brevets d’origine chinoise rapporté au PIB est plus élevé que ceux du Japon, de l’Allemagne et des États-Unis.
Selon l’Office de la propriété intellectuelle, la Chine a déposé en 2021 près de 70.000 demandes de brevets internationaux (devant les Etats-Unis, près de 60.000).

Le retour des talents

Le recrutement de talents est également un facteur clé. Les entreprises chinoises les plus innovantes sont bien souvent le fruit de « returnees », ressortissants chinois revenus en Chine après avoir passé plusieurs années dans des labos de recherche étrangers.

Des mesures d’attractivité à leur égard sont en place, comme le programme Mille Talents offrant à ces ressortissants chinois ou d’origine chinoise des conditions de retour très avantageuses. Des chercheurs étrangers peuvent aussi se voir proposer de belles offres pour effectuer leurs recherches en Chine.